"La science des solutions imaginaires, qui accorde symboliquement aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité."
Ainsi parlait Alfred Jarry.
Il s’agit là, on l’aura immédiatement reconnu, de la définition de l’épi-métaphysique, discipline mieux connue depuis sous le nom de "’pataphysique".
Né à Laval en 1873 dans une famille de négociants, Jarry mena une existence de patachon, à laquelle les excès de tout ordre mettront prématurément un terme en 1907. Fort de quelques œuvres de jeunesse élaborées au collège, le jeune Alfred monte à Paris pour préparer au lycée Henri IV le concours de l’École Normale Supérieure, auquel il échouera. En 1893, il se lie avec l'équipe du Mercure de France, et plus particulièrement avec Remy de Gourmont, écrit pour diverses revues et publie son premier livre, Les Minutes de sable: mémorial, en 1894. C’est pourtant bien du lycée de Rennes qu’il a rapporté, à l’état de projet, la figure d’Ubu inspirée d’un professeur de physique surnommé le "père Heb".
En 1888, il a monté un spectacle de marionnettes, première version du texte paru en 1896 sous le titre d’Ubu Roi, qui reste son plus célèbre ouvrage. La pièce est jouée en décembre au Théâtre de l'Œuvre, dont il est le secrétaire, et fait scandale. Fidèle à sa vocation de provocateur, Jarry fait en effet lancer un "merdre" initial retentissant à son personnage. La grande aventure de ce souverain cocasse et despotique s’étend sur cinq cycles, avec Ubu cocu, Ubu enchaîné, L’Almanach du père Ubu illustré, et Ubu sur la Butte qui sera publié quelques mois seulement avant la mort de Jarry. Extravagant et vivant en marge de la société, il abandonne alors sa collaboration avec le Mercure et vit quasiment comme un clochard.
En 1898, il écrit les Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien, qui fait de lui le maître incontesté de cette science incontestable dont ont hérité Boris Vian, Ionesco ou encore Queneau, aujourd’hui relayée par de nombreux "collèges de ’pataphysique". Sombrant progressivement dans la misère noire et l'alcoolisme, Jarry donne des chroniques, des critiques et deux romans (Messaline, Le Surmâle) à la Revue Blanche. Il ne mènera pas à son terme son adaptation du Pantagruel de Rabelais en opéra-bouffe. Après avoir publié une dernière pièce de théâtre "mirlitonesque", Le Moutardier du Pape, il meurt à l’âge de 34 ans.